AFFAIRE BISMUTH : 4 ANS DE PRISON, DONT 2 AVEC SURSIS, REQUIS CONTRE NICOLAS SARKOZY.

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Le parquet requiert également quatre ans de prison, dont deux avec sursis, contre son avocat Thierry Herzog et l’ancien haut magistrat Gilbert Azibert.

Le procès de l’affaire dite des « écoutes » est entré dans sa dernière ligne droite. Après les fermes dénégations de Nicolas Sarkozy qui a rejeté en bloc toutes les accusations, l’accusation a pris ses réquisitions mardi à Paris. Le parquet national financier a requis quatre ans de prison dont deux avec sursis à l’encontre de l’ancien président de la République. Le parquet a également demandé quatre ans de prison, dont deux avec sursis contre son avocat Thierry Herzog et l’ancien haut magistrat Gilbert Azibert, demandant pour ce dernier que la peine soit assortie de cinq ans d’interdiction professionnelle.

Après plusieurs jours de débats tendus à la 32e chambre correctionnelle, les deux représentants du Parquet national financier (PNF) ont pris la parole, après la plaidoirie de la partie civile. « Ce procès comme tout procès n’est pas davantage une vengeance institutionnelle, ni celle de la magistrature, ni celle et encore moins du PNF », a lancé le chef du PNF Jean-François Bohnert. « Personne ici ne cherche à se venger d’un ancien président de la République. »

Le patron du Parquet national financier a justifié sa présence à l’audience par « l’importance de l’affaire » jugée depuis le 23 novembre, exprimant son « entier soutien » à ses deux collègues à l’audience, « surtout après les débats agités qu’ils ont eu à affronter ». « Oui, M. Sarkozy, vous avez le droit à une justice impartiale, M. Herzog et M. Azibert également », a insisté le magistrat. « Comme toute personne dans notre pays, un ancien chef d’État a des droits qu’il convient de respecter, mais il a aussi et avec toute l’exemplarité à sa charge de garant de l’institution judiciaire l’impérieux devoir de respecter lui-même le droit, car c’est bien cela l’État de droit », a-t-il lancé.

Le patron du PNF a ensuite défendu une enquête menée par le PNF, parallèlement au dossier des « écoutes », dénonçant une « confusion pernicieuse » entretenue « sur la place publique » entre les deux dossiers. Ouverte début 2014, cette enquête avait pour but de tenter de trouver la « taupe » qui aurait informé Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog qu’ils étaient écoutés sur leur ligne officieuse « Bismuth ». Cette enquête a été vivement décriée tout au long du procès, la défense dénonçant un « stratagème de dissimulation » de la part du PNF pour ne pas transmettre des éléments qui auraient pu être à décharge. « Il n’y a eu aucune écoute » au cours de cette enquête, mais l’examen de factures téléphoniques détaillées « sur une période très limitée dans le temps, cinq heures et dix minutes de la journée du 25 février 2014 ».

« Le Code de procédure pénale n’impose ni délai dans la conduite d’une enquête préliminaire ni obligation de communication d’une telle enquête dès lors qu’elle est classée sans suite », a-t-il insisté, soulignant ensuite qu’il avait classé sans suite cette enquête dès son arrivée à la tête du PNF. « Dans ce dossier, le PNF n’est jamais sorti des clous », a martelé le magistrat. Il a promis « sincérité » et « rigueur » dans les réquisitions qui doivent suivre, et même « prudence et délicatesse ». Citant un épisode de la veille à l’audience, il a ajouté sous les protestations de la défense : « On est bien loin des méthodes de barbouzes dont le PNF a été accusé ces derniers mois », faisant allusion à une formule du garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti.

L’ex-chef de l’État, jugé pour corruption et trafic d’influence avec son avocat et un ancien haut magistrat, encourt 10 ans de prison et un million d’euros d’amende. L’ancien locataire de l’Élysée (2007-2012) est soupçonné d’avoir conclu un « pacte de corruption » en 2014, en obtenant des informations protégées par le secret, via son avocat Thierry Herzog, auprès du haut magistrat Gilbert Azibert, sur une procédure à la Cour de cassation. Ce, en contrepartie, selon l’accusation, d’un « coup de pouce » pour un poste à Monaco, convoité par Gilbert Azibert, mais qu’il n’a finalement jamais eu. Au cœur des charges : une série de conversations enregistrées sur une ligne officieuse ouverte au nom de Paul Bismuth par Thierry Herzog pour échanger avec Nicolas Sarkozy – en toute confidentialité, croyaient-ils.

Cette ligne avait été découverte début 2014 par les juges qui instruisaient l’affaire des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, entraînant l’ouverture d’une autre information judiciaire. Les deux hommes y discutent notamment du pourvoi en cassation engagé par l’ex-président, alors en cours d’examen : Nicolas Sarkozy souhaitait voir la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire annuler la saisie de ses agendas présidentiels dans l’affaire Bettencourt.

Dans ces échanges, « Gilbert » apparaît à plusieurs reprises : avocat général dans une chambre civile, il ne prenait pas part à cette procédure mais il est pourtant cité par Me Herzog, qui déclare aussi que le magistrat a eu accès à un avis confidentiel. « Il a bien bossé hein », lance l’avocat. « Moi, je le fais monter », « je l’aiderai », dit également Nicolas Sarkozy. Puis, alors qu’il se trouve à Monaco, il semble s’engager à faire la « démarche » pour Gilbert Azibert auprès des autorités monégasques – avant d’y renoncer.

Mais ce « pacte de corruption » n’a jamais existé, ont balayé les prévenus au cours du procès. Ces conversations sont des « bavardages » entre deux « frères », a certifié Nicolas Sarkozy lundi, affirmant que son avocat avait voulu le « rassurer » en rapportant de simples « impressions » sur cette procédure. Et il le clame : jamais il n’a eu « aucune information privilégiée ». « Oui », comme « cent fois dans sa vie », il a envisagé de rendre un « service » à Thierry Herzog, qui lui parlait de son « ami » Gilbert Azibert, mais il ne s’agissait pas d’une « contrepartie ». Et au final, a souligné Nicolas Sarkozy, la Cour de cassation ne lui a pas donné gain de cause et Gilbert Azibert n’a pas eu de poste à Monaco. « Il reste quelques bribes de conversations entre deux amis, sans qu’il y ait le moindre début de réalisation de quoi que ce soit », a-t-il argué.

Selon la loi, il n’est cependant pas nécessaire que la contrepartie ait été obtenue ni que l’influence soit réelle, pour caractériser les délits de corruption et de trafic d’influence. Depuis le début du procès, les procureurs financiers Jean-Luc Blachon et Céline Guillet sont restés en retrait, avares en questions et proches de la procédure, semblant embarrassés par une enquête préliminaire menée parallèlement à ce dossier.

Ouverte début 2014, elle visait à débusquer la « taupe » qui aurait informé Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog que leur ligne « Bismuth » était « branchée », en sus des lignes officielles de l’ex-président. Cette enquête a finalement été classée sans suite fin 2019. Une enquête « dissimulée », pilonnée par la défense. « Le mensonge, il n’est pas de mon côté, il est du côté de l’accusation », a renchéri Nicolas Sarkozy. « Aucun texte n’imposait de la communiquer », avait répliqué plus tôt le procureur Jean-Luc Blachon, évoquant un « esprit de complotisme » chez les prévenus. Fin du procès jeudi soir.

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