CAMEROUN : LES AVOCATS OBSERVENT CINQ JOURS DE GRÈVE – SOUS LE SIGNE DE « JUSTICE MORTE ».

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Le barreau des avocats du Cameroun a entamé une grève de cinq jours à compter de ce lundi, pour protester contre l’ingérence des forces de l’ordre dans leur travail et contre les violations des droits de la défense.

Réuni le 21 novembre à Yaoundé, le conseil de l’ordre des avocats a décidé d’observer cinq jours de « toges et palais de justice morts » et renouvelables et « jusqu’à ce qu’il soit mis fin à cette véritable cabale par la libération de tous les avocats détenus d’une part et d’autre part dans le but de redorer le blason de la profession ainsi souillée ».

Le barreau rappelle que c’est le 10 novembre que des avocats ont été victimes de « brutalités policières » lors d’un procès « dans la salle d’audience du tribunal de première instance de Douala-Bonanjo ».

Ces avocats ont été plus tard « sans convocation préalable ni mandat, appréhendés » pour répondre à « des incriminations d’outrage à magistrat, destruction et commentaires tendancieux sur une affaire en cours, puis gardés à vue du 18 au 20 novembre 2020, date à laquelle ils ont été déférés devant le procureur de la République et placés sous mandat de détention provisoire et notifiés de la date de leur première audience de flagrant délit le 23 novembre 2020 devant le Tribunal de première instance de Douala-Bonanjo statuant en matière correctionnelle ».

Dans un communiqué du 24 novembre, la fondation camerounaise des consommateurs (Focaco) a estimé que cette grève aura « des conséquences d’une particulière gravité sur les délais de traitement des affaires entraînant un préjudice majeur pour les justiciables ».

La Focaco a exhorté d’une part le Barreau du Cameroun à prendre des mesures de protestation qui impacteront moins les justiciables et d’autre part prie la Chancellerie d’apporter des réponses aux préoccupations soulevées par les avocats.

Le gouvernement camerounais n’a pas réagi à cette grève qui paralyse déjà le secteur de la justice.

COMMUNIQUÉ DE L’ORDRE DES AVOCATS

L’an deux mille vingt

Et Le vingt-un du mois de novembre

Le Conseil de l’Ordre des avocats au Barreau du Cameroun, réuni en session extraordinaire sur convocation de Madame le Bâtonnier par intérim Claire ATANGANA BIKOUNA, en présence du Président de l’Assemblée Générale Maitre MORFAW Evaristus NKAFU ;

Composé de :

  • Me ATANGANA BIKOUNA Claire (Bâtonnier Pi)
  • Me MEMONG Philippe Olivier (Secrétaire)
  • Me NTOKO Justice EBAH
  • Me MBUYAH Gladys FRI
  • Me FOJOU Pierre Robert
  • Me DEUGOUE Raphaël
  • Me MOHAMADOU SOULEYMANOU
  • Me MBAH Eric MBAH
  • Me NGOS Daniel Blaise
  • Me AKUM Michael NCHE (Trésorier)

Considérant que suite à la résolution du Conseil de l’Ordre de l’Ordre des Avocats au Barreau du Cameroun en date du 13 novembre 2020 relative aux brutalités policières perpétrées le 10 novembre 2020 sur des avocats dans la salle d’audience du Tribunal de première instance de Douala-Bonanjo condamnant ces faits et exigeant contre leurs auteurs intellectuels et opérationnels des sanctions exemplaires, les avocats TAMFU NGARKA Tristel Richard et TCHUENMEGNE KENMEGNE Armel exerçant dans la ville de Douala, témoins desdites brutalités, ont été, sans convocation préalable ni mandat, appréhendés à l’avantage de guet-apens tendus par des éléments de la Division Régionale de la police judiciaire du Littoral pour y répondre à leur tour des incriminations d’outrage à magistrat, destruction et commentaires tendancieux sur une affaire en cours, puis gardés à vue du 18 au 20 novembre 2020, date à laquelle ils ont été déférés devant le Procureur de la République et placés sous mandat de détention provisoire et notifiés de la date de leur première audience de flagrant délit le 23 novembre 2020 devant le Tribunal de Première instance de Douala-Bonanjo statuant en matière correctionnelle.

Des éléments de l’enquête les concernant, il ressort que le Procureur de la République près le Tribunal de Première instance de Douala-Bonanjo a instruit l’interpellation d’un total de 15 avocats tantôt victimes ,tantôt témoins de la barbarie du 10 novembre 2020, et la mise en détention des deux premiers ne permet désormais aucune spéculation sur le sort des treize autres recherchés, mettant à jour un programme de persécution des avocats par l’utilisation des moyens de l’appareil judiciaire et de certains magistrats ouvertement déterminés, étape suprême succédant à la précédente qui aura consisté à les mépriser et à compliquer leur exercice professionnel à tous stades, quoiqu’auxiliaires de justice ;

Face à cette situation qui s’analyse de toute évidence en une persécution programmée des avocats transformés en délinquants,

LE CONSEIL DE L’ORDRE INVITE les avocats à observer plus que par le passé, une attitude de prudence, de calme et de vigilance, en se dominant pour ne point céder, ni à la provocation, ni à la confrontation violente, au risque de tomber dans des pièges multiples tendus pour affaiblir la corporation à un moment non anodin où le Barreau, orphelin de son Bâtonnier, s’apprête à lui rendre hommage.

DECIDE en outre des mesures suivantes sans préjudice d’autres à venir y compris la convocation d’une Assemblée Générale Extraordinaire, en signe de protestation, et jusqu’à ce qu’il soit mis fin à cette véritable cabale par la libération de tous les avocats détenus d’une part et d’autre part dans le but de redorer le blason de la profession ainsi souillée.

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