NOUVELLE POLITIQUE FORÈSTIÈRE DU BÉNIN 2023-2032: CADRE STRATÉGIQUE, PRINCIPES DIRECTEURS ET CHANGEMENTS ATTENDUS.

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Le Bénin vient de se doter une nouvelle politique forestière décennale ce mercredi 22 février 2023. Partant de l’analyse de la situation du secteur des forêts et des ressources naturelles et de l’auto-évaluation de la mise en œuvre de la politique forestière en cours de révision, la vision de la nouvelle politique forestière du Bénin s’énonce comme il suit : «A l’horizon 2040, le Bénin est un pays vert où les ressources naturelles et forestières participent de manière soutenue au bien-être social des populations et au développement durable ». Pour accomplir cette vision, le gouvernement à travers le ministère du cadre de vie et du développement durable a clairement défini un cadre stratégique, des principes directeurs ainsi que les changements attendus de cette politique.

Fondements de la politique forestière du Bénin

La nouvelle politique forestière adoptée pour la période 2023-2032 s’appuie sur d’abord sur les Conventions internationales. Il s’agit entre autres de Objectifs de Développement Durable : la politique forestière s’intègre aux objectifs de développement durable à l’horizon 2030, adopté en septembre 2015, qui met la durabilité environnementale au cœur des préoccupations de développement ; notamment les ODD n° 1 «Eliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde »; n° 2 «Eliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable » et n°15 « Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inventer le processus de dégradation des sols et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité ».

Ensuite nous avons le Nouvel agenda 2063 de l’Union Africaine : l’un des objectifs de l’Agenda 2063 de l’Union africaine est de bâtir des économies et communautés écologiquement durables et résilientes au climat à travers la gestion durable des ressources naturelles, la préservation de la biodiversité, des ressources génétiques et écosystèmes, des modes de consommation et de production durables, la sécurité des ressources en eau, la résistance aux chocs climatiques et la prévention et la préparation aux catastrophes naturelles.

Aussi, nous avons la Politique Commune d’Amélioration de l’Environnement de l’UEMOA : La politique forestière s’y arrime notamment au niveau de l’axe stratégique 1 intitulé « Contribution à la gestion durable des ressources naturelles pour la lutte contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire », l’objectif de la politique commune étant de « Stabiliser l’environnement, inverser les tendances lourdes de dégradation et de réduction des ressources naturelles et réhabiliter et maintenir dans la sous-région, un environnement sain, facile à vivre et productif, améliorant ainsi les conditions de vie des populations de l’espace ouest Africain ».

Il est important de mentionner la Vision Bénin 2025 Alafia: faire du Bénin, «un pays-phare, un pays bien gouverné, uni et de paix, à économie prospère et compétitive, de rayonnement culturel et de bien-être social ». Parmi les huit objectifs stratégiques formulés pour concrétiser cette vision, figure l’objectif : « promouvoir des pôles régionaux de développement » grâce à la « promotion d’un aménagement du territoire qui assure le développement et la gestion rationnelle de l’environnement.

Par ailleurs, le Plan National de Développement 2018-2025 a été pris en compte à travers l’orientation stratégique 3 «assurer la gestion durable du cadre de vie, de l’environnement et l’émergence des pôles régionaux de développement » opérationnalisée via l’axe 7 du PAG 2021-2026 intitulé « Renforcement du développement équilibré et durable de l’espace national » dont une action phare est relative au renforcement de la préservation de l’environnement et de la résilience aux changements climatiques.

Puis la stratégie nationale « faim zéro » au Bénin à l’horizon 2032 n’a pas été occultée surtout à travers son axe stratégique 3 « Renforcement de la résilience des populations face aux risques /chocs les rendant vulnérables à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle ».

Puis vient la Politique Nationale de Gestion des Changements Climatiques (PNGCC) mise en œuvre à travers le Plan National d’Adaptation aux changements climatiques dont l’opérationnalisation de ses orientations 1 « promouvoir les modes de consommation et de production durables » et 2 « promouvoir la gestion rationnelle et durable des ressources naturelles et des écosystèmes » participent de la mise en œuvre de la politique forestière.

Il y a également l’ambition du Bénin dans l’atteinte de la Neutralité de la dégradation des terres «Land Degradation Neutrality » (LDN) à travers les activités de reboisement intensif et de restauration des sites dégradés qui visent à (i) augmenter de 5%, le pourcentage de couverture forestière et (ii) mettre fin à la conversion des zones humides en d’autres types de couverture terrestre à l’horizon 2030.

Enfin, le Plan stratégique 2018-2022 du MCVDD en ce qui concerne les aspects suivants : (i) élaborer les plans, programmes et projets de valorisation, de prévention et de lutte contre toutes formes de dégradation des ressources naturelles notamment forestières et fauniques, (ii) promouvoir le reboisement, la reforestation et autres méthodes de lutte contre la désertification, (iii) élaborer les instruments et outils de gestion durable des ressources naturelles, (iv) participer à l’élaboration des politiques et stratégies de conservation des zones sensibles et de restauration des sites dégradés.

Principes directeurs de la politique forestière

La politique forestière repose sur trois principes directeurs, non mutuellement exclusifs, que sont :

  • Principe de protection et de mise en valeur règlementée : la protection et la mise en valeur des forêts sont reconnues d’intérêt général. La forêt et ses composantes constituent un élément du patrimoine national dont l’État garantit la préservation et que chaque citoyen a le devoir de respecter et de veiller à sa protection. Le statut des différentes espèces de flore doit être renforcé par le législateur en fonction des menaces dont elles sont l’objet.

Le développement durable des forêts implique un équilibre agro-sylvo-pastoral harmonieux permettant la régénération des peuplements forestiers dans des conditions économiques satisfaisantes. Cet équilibre est atteint notamment par la mise en œuvre de plans d’aménagement participatif à buts multiples : ce plan privilégie la conservation de la faune, de la flore, des biotopes et des écosystèmes, tout en permettant, lorsque les conditions s’y prêtent, des utilisations socio-économiques contrôlées de leurs ressources. La gestion durable des forêts et la valorisation des produits forestiers ligneux et non-ligneux contribuent à la réduction des émissions nationales de gaz à effet de serre et au développement des énergies renouvelables.

  • Principe de gestion participative : bien que la gestion durable des forêts étant de la compétence exclusive de l’État, il n’empêche pas de créer les conditions d’une collaboration franche et permanente entre les différentes structures chargées de gérer les ressources forestières et fauniques. A cet effet, les Communes, leurs organisations et les structures travaillant pour leur compte peuvent établir des contrats avec l’État à travers l’Administration des Eaux, Forêts et Chasse dans le cadre des chartes forestières de territoire, en vue de concourir à la mise en œuvre de cette politique. Ces contrats ou conventions ne sont pas des marchés et de ce fait ne doivent être conclus d’office avec les communautés riveraines des forêts et ne doivent pas être assujettis au payement de taxes ni de redevances en ce qui concerne les activités sylvicoles qui concourent à la restauration des forêts et des plantations.

L’État peut aussi déléguer le droit de gestion et/ou d’usage au gestionnaire de fait des habitats et ou à toute personne désignée par ses soins, dans la mesure où l’arbre naturel fait partie de son patrimoine.

Ce principe appelle également le développement des partenariats féconds avec des Organisations Non Gouvernementales (ONG) spécialisées intervenant dans le secteur forestier.

  • Principe de la coopération transfrontalière: ce principe suppose que l’État prend toutes mesures appropriées visant à promouvoir et à renforcer la collaboration et la coopération avec les États voisins pour assurer la préservation et améliorer la gestion des aires protégées situées dans des zones frontalières du territoire national. La collaboration et la coopération peuvent consister en des actions concertées ou conjointes en matière, notamment de (i) prévention et de répression des infractions à la législation des aires protégées, (ii) de recherche scientifique, (iii) de surveillance et d’aménagement des aires protégées, (iv) de promotion et d’organisation des activités touristiques dans les aires protégées et (v) d’harmonisation des politiques, des stratégies et des législations relatives aux aires protégées.

Ainsi l’atteinte des objectifs prioritaires de la politique forestière passe par une gestion optimale des ressources mises à la disposition de l’Administration forestière :

  • Par une réorganisation et une restructuration de l’Administration forestière de façon à améliorer et à rendre plus efficace la gouvernance du secteur forestier ;
  • En utilisant au mieux les acquis actuels de la recherche forestière et les connaissances sur la ressource (inventaire forestier) ;
  • En poursuivant les efforts engagés sur le reboisement intensif en appuyant de façon plus marquée les plantations des propriétaires privés ;
  • En donnant la priorité à l’aménagement et à la gestion conservatoire et soutenue des ressources naturelles tout en tenant compte des actions d’adaptation et d’atténuation ; de lutte contre les changements climatiques et d’accroissement de la résilience des communautés vivantes;
  • En appuyant la valorisation et l’entrée dans le secteur formel de l’économie des biens et services des écosystèmes pour un renforcement du développement rural et une meilleure sécurité alimentaire ;
  • En s’appuyant sur des actions importantes, soutenues et répétées de formation des acteurs, d’information et de communication en direction des populations ;
  • En améliorant considérablement la conservation de la biodiversité dans les réserves de faunes et les autres écosystèmes sensibles par une valorisation des services écosystémiques et leur gestion durable.

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Raison d’être de la Politique

La raison d’être de la politique forestière découle des problèmes majeurs (2.3) résultant du diagnostic stratégique (2.2). Ainsi, l’élaboration de la politique forestière émane de la nécessité de disposer d’un cadre de vie décent, propice au bien-être durable des populations et au développement des activités économiques.

En absence d’une politique forestière cohérente, la dégradation forestière actuellement observée va s’accentuer avec des conséquences fâcheuses notamment, l’accélération de la fragilisation des écosystèmes naturels, de la désertification et du réchauffement climatique ainsi que la détérioration du cadre de vie et l’aggravation de la pauvreté.

Changements attendus et hypothèses de réalisation

Le changement ultime ou à long terme attendu de la mise en œuvre efficace et efficiente de la politique forestière est l’amélioration de la qualité du cadre de vie pour le rendre décent et propice au bien-être durable des populations et au développement des activités économiques.

Ce changement ne sera observé que si dans les autres secteurs de développement y compris la décentralisation, des efforts notables, respectueux de l’environnement et d’amélioration des conditions de vie des populations, sont consentis.

En prélude à l’amélioration de la qualité du cadre de vie, il faut à moyen terme une amélioration significative de la préservation des ressources naturelles et des écosystèmes.

Le risque d’inobservation de ce changement à moyen terme est relatif, entre autres, à (i) l’évolution non favorable des cours mondiaux de certains produits (gaz butane par exemple), (ii) l’insuffisance de rigueur dans l’observance des comportements vertueux des agents économiques (secteurs agricole, industriel voire tertiaire), (iii) l’augmentation de l’incivisme environnemental des populations.

Pour assurer effectivement la préservation des ressources naturelles et des écosystèmes, il faut à court terme une amélioration de la qualité de la gouvernance du secteur forestier sur les plans législatif, règlementaire, juridique, organisationnel, informationnel et financier.

L’effectivité de la qualité de la gouvernance recherchée dépend de (i) l’implication et l’adhésion de toutes les parties prenantes (étatiques et non étatiques) à divers niveaux (central, déconcentré, local et décentralisé) à la mise en œuvre de la politique forestière, (ii) l’essor d’une conscience citoyenne sur la préservation des forêts, (iii) la forte adhésion des populations riveraines, (iv) l’existence d’une synergie et d’une cohérence intra et inter sectorielle et (v) la disponibilité des ressources financières, humaines et matérielles nécessaires pour la mise en œuvre de la politique.

Ethan Okpa

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